Pratiquer le Qi Gong
Qi Gong associe deux idéogrammes chinois :
气 qì, que l’on peut traduire par « souffles » ou « énergie »
et 功 gōng « travail, œuvre, maîtrise »
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Qui suis-je en tant qu’enseignante de Qi Gong ?
– Claudine Izabelle –
D’abord un esprit curieux, une chercheuse passionnée par le corps qui a été amenée à créer des ponts entre Occident et Orient, dans les deux sens j’entends.
J’ai d’abord étudié pendant plus de 20 ans la théorie médicale chinoise mais aussi ses pratiques dont le Qi Gong [prononcez tchi kong]. Ce fut d’abord auprès d’occidentaux que je me suis formée. Puis, au contact de Maîtres Chinois et Japonais, je me suis vite aperçue qu’ils étaient les mieux à même d’exprimer leurs cultures et leurs langues. Je découvrais combien les traductions éloignées des idéogrammes étaient déformées et réduites me privant d’une compréhension profonde. Ainsi comme l’a si bien formulé le philosophe contemporain François Jullien « Observer ce que notre langue nous empêche de penser et réciproquement, ce que les langues orientales empêchent aux orientaux de penser » est le fondement de la compréhension sans « à priori » de l’Occident et de l’Orient. Elle permet de créer de vrais ponts. Cette compréhension nécessite nombre d’allers-retours et au final nombre d’années.
Avec le corps et les pratiques corporelles comme le Qi Gong, il n’est pas besoin d’intellectualiser un mouvement ni de connaître toutes les théories médicales chinoises. Mais au final, ce qui m’est apparu dans la pratique du Qi Gong est que chacun peut se saisir de ce qu’il y a de plus universel en lui. N’y a-t-il pas qu’un seul corps humain ? Celui-ci n’a-t-il pas qu’un seul fonctionnement ?
Au travers de cette pratique de bien-être, les allers-retours que j’ai pu faire ces 20 dernières années entre les deux civilisations me permettent de mieux faire découvrir aux élèves ce que les Chinois appellent « énergie » depuis plusieurs millénaires : une réalité tangible pour qui fait l’effort d’aller la rencontrer au travers de cette pratique. En réalité, nous utilisons ce terme dans la même acception que les Chinois quand nous disons « je n’ai pas d’énergie » ou « j’ai une bonne énergie aujourd’hui ». Cela a également à voir avec l’ouverture la joie et la convivialité, c’est ce que j’aimerai vous faire découvrir.
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Interview
Annette, Présidente de l’association et pratiquante depuis 3 ans a interviewé Claudine Izabelle.
Annette : « Tu pratiques le Qi Gong presque tous les jours depuis 20 ans, tu l’enseignes aussi. Tu as fait six séjours en Chine dont un à l’hôpital de Tianjing et cinq pour étudier le Qi Gong. Tu as obtenu un titre mondial en équipe pour « les 8 brocards de soie » lors des rencontres internationales de Shangaï de 2009. Avec ton parcours, comment pourrais-tu expliquer ce qu’est le Qi Gong à une personne qui n’en n’a jamais fait ? ».
Claudine : « Lors de mon premier cours, je commence à faire sentir individuellement ce qu’est « l’énergie ». Il me faut moins de 3 secondes pour la faire sentir à une personne. 80 à 90 % des personnes y parviennent du premier coup. L’énergie, ça se sent plus que cela ne s’explique. Je précise qu’il s’agit d’un exercice sans mouvement. Je montre ainsi qu’il n’est pas besoin de mouvements pour faire circuler l’énergie. C’est dire en premier lieu que le Qi Gong n’est pas une pratique d’enchaînements. Je le précise car, pour beaucoup de personne, le Qi Gong, ce sont des enchaînements, une sorte de gymnastique chinoise. Non, le Qi Gong est une pratique corporelle faite de nombreuses techniques « avec » et « sans » mouvements. Un Chinois le définirait par « l’art de maîtriser son énergie ». Mais si je dois expliquer ce qu’est le Qi Gong sur un site internet, il me faut nécessairement passer par le langage et là ça devient plus difficile. C’est comme expliquer à un aveugle ce qu’est le soleil ou à une personne qui n’en a jamais mangé de fraise le goût de la fraise. Sans expérience, on est amené à tourner autour sans vraiment comprendre ce que c’est … »
Annette : « Essayons quand même ! Peux-tu me dire quelle différence y a-t-il entre un mouvement de gymnastique ou de sport et un mouvement de Qi Gong ? »
Claudine : « Prenons un exemple simple comme incliner la tête latéralement. C’est un des mouvements possibles de la tête qu’un ensemble de techniques utilisent de manière différente même si l’apparence extérieure est la même. Dans la gymnastique, on ne va considérer que la tête ; dans le Qi Gong, le mouvement démarre par la poussée d’un pied (le pied opposé au côté de l’inclinaison) et se termine à la tête justement par ce mouvement d’inclinaison. En appuyant sur ton pied, tu crées une force descendante et une contre-force ascensionnelle. C’est de la physique basique. Cette force ascendante est ressentie à l’intérieur du corps car en Qi Gong on développe le ressenti de ce qui se passe à l’intérieur du corps. Ce qui est ressenti, c’est l’énergie. Dès qu’on relâche cette poussée, l’énergie redescend. Là je ne t’ai parlé que d’un plan latéral (inclinaison de la tête), mais en Qi Gong, on relie tous les plans : le bas et le haut, l’avant et l’arrière du corps ainsi que la droite et la gauche. Il y a donc étirement et relâchement mais aussi ouverture et fermeture dans l’espace du corps. Ainsi, dans une simple inclinaison de la tête, le Qi Gong nous fait prendre conscience du déploiement de notre corps dans l’espace. Donc la première différence entre le Qi Gong et la gymnastique est que dans le Qi Gong l’intégralité des mouvements concernent l’ensemble du corps, dans la gymnastique, tu vas plutôt travailler sur une partie du corps ou une chaîne musculaire. Tu pourrais également en déduire que le centre de ce mouvement est la taille si tu étires de manière égale le haut et le bas alors qu’en gymnastique ce sera le milieu du cou. Tu vois, avec un même mouvement, on ne fait pas la même chose. C’est pour cela qu’il est impossible de faire du Qi Gong en suivant une vidéo. Je le précise car j’ai rencontré des personnes qui disaient faire du Qi Gong sur internet : ces gens s’illusionnent, ils ne font en réalité que de la gymnastique ».
Annette : « Tu as également dit qu’il n’était pas besoin de faire de mouvements pour faire circuler le Qi. Alors comment fait-on ? »
Claudine : « Evidemment il y a une autre technique derrière. La technique tient en 4 idéogrammes : « 意到气到 yì dào qì dào », que l’on peut traduire par « là où est l’intention, là est conduite l’énergie ». C’est donc avant tout un travail de l’intention. On peut conduire l’énergie par l’intention à l’extrémité de ses doigts de la main. Le concept est extrêmement simple. Après il y a la pratique : c’est facile sur la main qui est très agile par nature, c’est beaucoup plus difficile pour le pied. C’est là que commence l’entraînement. Pour un débutant, il est plus facile de commencer par des mouvements. C’est plus proche de ce qu’il connaît. La difficulté pour lui est d’être présent avec la même qualité d’intention dans tout son corps, être autant dans ses pieds que dans une autre extrémité et « sans se prendre la tête » bien sûr. Il est interrogé sur son schéma corporel et découvre qu’il est peu présent ou qu’il n’a pas accès à certaines zones de son corps. Au final, il va acquérir cette conscience à la fois avec une précision de l’intention et un certain dégagement d’esprit car il faut aussi être global».
Annette : « Ce qui me semble le plus difficile à appréhender pour une personne qui n’en a jamais fait, c’est la notion d’énergie ».
Claudine : « Oui, je peux le comprendre. En français le terme « énergie » a beaucoup de sens. Rencontrer ce terme dans une acception que l’on ne connaît pas rend l’esprit confus : on ne peut s’en saisir véritablement. On ne peut l’appréhender que par le corps. La sensation de l’énergie vient plus ou moins vite selon les individus. Il faut en moyenne compter 6 mois pour commencer à bien la percevoir. Ça c’est pour les débutants. Puis il faut continuer à affiner les sensations, plusieurs années pour atteindre le niveau du ressenti des méridiens. Il existe de nombreuses techniques. A ce moment-là seulement, il est nécessaire d’accéder au référentiel médical Chinois ainsi qu’à la langue Chinoise. J’enseigne à des professeurs de Qi Gong la théorie médicale Chinoise et par manque de connaissances ils passent à côté de choses intéressantes pour aider leurs élèves. Pour mes élèves avancés, quand ils sentent bien l’énergie, je leur apporte ce support de compréhension ».
Annette : « Alors quel est l’apport de la langue chinoise pour expliquer ce qu’est le Qi Gong ? »
Claudine : « Il est nécessaire de remonter à la langue d’origine. La principale difficulté pour expliquer ce qu’est le Qi Gong réside justement dans la conception de notre langage. Nos langues indo-européennes limitent notre accès à cette compréhension, les traductions sont souvent réductrices ». Le 功gōng de Qi Gong – ce qui est traduit communément par travail – comprend bien sûr l’acception du terme « travail » tel qu’il est conçu par l’Occident. Cela sous-entend qu’il faut beaucoup se mettre à l’ouvrage pour arriver au niveau « d’art énergétique ». L’image que je peux te donner est celle d’un artisan qui pour maîtriser son savoir-faire met plusieurs années pour y arriver. Mais derrière cet idéogramme 功gōng, il y a aussi l’idée que c’est l’énergie qui nous travaille. Très concrètement, quand on n’est plus débutant et donc que l’on peut percevoir l’énergie, on « suit » l’énergie. Cela veut dire que le mouvement se cale sur le rythme de l’énergie et que c’est l’énergie qui va révéler la correction du mouvement. On est en quelque sorte entraîné par un mouvement interne qui nous « auto-corrige ». A ce stade il y a une véritable revitalisation du corps. On sait tout de suite quand ça nous arrive. Ça surprend et c’est très agréable. Suivre l’énergie, c’est un peu comme être un surfeur qui « suit » sa vague intérieure. Si le surfeur est plus rapide que la vague, il la perd, s’il est trop lent il la perd aussi. On ne choisit pas la vitesse de l’énergie ».
Annette : « Oui ton image me parle bien. Et en ce qui concerne le 气Qì de Qi Gong ? ».
Claudine : « Le « 气qì » – ce qui est communément traduit par « énergie » – est un concept Chinois qui date de plus de 5 000 ans. Il faut s’adresser à la graphie de l’idéogramme pour en saisir le sens. Un idéogramme, c’est l’écriture d’une idée avec toute la capacité d’abstraction qui en découle. C’est différent et plus riche qu’une représentation par un dessin. On peut voir dans cet idéogramme trois traits, le trait supérieur couvre l’ensemble : il s’agit du ciel, le trait inférieur descend jusqu’à la terre et le trait du centre manifeste l’échange entre les deux. C’est le Qi. Le Qi est donc pour un chinois ce qui relie le ciel de nature peu dense ou subtile et qu’il a appelé Yang avec la terre de nature dense et lourde et qu’il a qualifié de Yin. Le Qi est donc l’interrelation entre la matière et une partie plus subtile de la matière et la manière dont ils varient ensemble. C’est ce que représente le symbole Yin/Yang que les Chinois appellent le Tai Ji ».
Annette : « As-tu un exemple concret qui concerne le corps ? »
Claudine : « Oui, dans la culture chinoise, tout et n’importe quoi est constitué d’une part plus ou moins invisible et d’une part visible et qui sont en interrelation. Dans un visage, un chinois y distinguera ce qui est facilement discernable pour tout un chacun, la structure corporelle Yin (qu’il va dénommer形 xíng), c’est à dire la forme des yeux, du nez, du menton mais aussi le teint « le Qi du visage » de nature Yang c’est-à-dire ce que le visage dégage, s’il est en santé, si la personne est heureuse ou si elle est déprimée. Le Qi, c’est donc une partie plus subtile de la matière qui est en relation avec la part invisible de l’individu : ses émotions. Tout le monde peut objectiver cet aspect du visage même si cela n’est pas de la matière. C’est comme un rayonnement du visage. En même temps, la matière est un état du Qi plus dense, c’est aussi de l’énergie. Les Chinois ont cette vision depuis 5 000 ans. L’occident seulement depuis Einstein, c’est-à-dire depuis le 20ème siècle. Einstein a en effet dit : « Tout est énergie, et c’est là tout ce qu’il y a à comprendre dans la vie ». Ça correspond tout à fait à la vision Chinoise ».
Annette : « Je comprends la différence entre un mouvement de Qi Gong et de gymnastique ou de sport, je sais que le travail de l’intention est important, que les élèves qui sentent l’énergie la suive. Y a-t-il autre chose pour essayer d’approcher ce qu’est le Qi Gong ? ».
Claudine : « Oui, en Qi Gong on est capable de se rafraîchir quand il fait très chaud ou de se réchauffer quand il fait très froid. Nous avons déjà pratiqué en extérieur quand il gelait sans avoir froid. C’est une compétence que l’on acquière seulement en extérieur. Cela s’explique par la théorie médicale chinoise, mais on ne va pas rentrer ici dans cet aspect des choses. Enfin, un autre aspect des choses est la relation au temps. Il faut que tu saches qu’il n’y a ni passé ni futur dans la langue Chinoise, seulement un « présent à venir » ou un « présent en train d’advenir » et cela fonde une stratégie opérationnelle. Alors en pratiquant le Qi Gong, déjà ce qu’il faut comprendre, c’est que le « moment présent » est ce qui est le plus important. Ce qui fait qu’il n’y a pas de « bien-faire » comme chez nous et que la perfection existe encore moins. C’est donc le « présent en train de se modifier » qu’il est important de capter. Cela concerne bien une sensation. Tu vois, le Qi c’est plus facile à sentir qu’à expliquer. C’est une expérience corporelle donc sensorielle. Au final, le Qi Gong est un ensemble de techniques qui permettent d’approcher la réalité de l’énergie ».
Annette : « Et à quoi ça sert de faire du Qi Gong ? »
Claudine : « Les élèves disent que ça leur apporte de la souplesse, de la centration, de l’ancrage dans le registre corporel et du calme, de la joie et une meilleure qualité d’attention dans le registre plus psychique. Mais si personnellement j’avais à résumer quel est le rôle du Qi Gong, je dirais que ça sert à récupérer l’énergie pour soi, donc à être en meilleure forme, en meilleure santé. Le Tai Qi Quan utilise aussi l’accumulation de l’énergie, mais comme c’est un art martial, le pratiquant dirige cette force à l’extérieur, contre son adversaire à l’origine ou pour casser des briques comme les Shaolin ou sauter très haut comme dans les films de kung fu».
Annette : « J’ai pratiqué d’autres Qi Gong. Je n’ai pas rencontré cette profondeur dans le ressenti et la connaissance de l’énergie »
Claudine : « Oui, la progression pédagogique de la montagne E Mei est différente. Elle est très précise pour appréhender ce qu’est l’énergie. Avant de rencontrer E Mei, j’avais fréquenté plusieurs maîtres, mais les choses étaient beaucoup moins précises pour moi. Et en plus cette école est très orientée sur le Qi Gong thérapeutique et moins sur les arts martiaux »
Annette : « Dernière question, faut-il être souple à la base ? »
Claudine : « ça ne nuit pas d’être souple mais il n’est pas nécessaire d’être souple : c’est une chose qui se fait assez naturellement, et à tout âge. Le Qi Gong améliore et entretient la souplesse. Mais j’ai déjà rencontré des personnes très souples qui ne faisaient pas circuler l’énergie, elles faisaient de la gymnastique. J’ai rencontré des personnes qui ne pouvaient pas faire tous les mouvements (vertèbres cassées recimentées, séquelles d’hémiplégie avec spasticité, rupture de tendons etc) mais qui faisaient vraiment circuler l’énergie. Là elles amélioraient vraiment leurs situations, diminuaient leurs douleurs et amélioraient leur quotidien. Tu vois, il n’est pas nécessaire d’être souple à la base, mais on le deviendra. L’important, ce n’est pas de faire un mouvement, mais d’être ou de rester en forme. Ou d’avoir une technique pour se régénérer quand on est fatigué. Dormir ne suffit pas toujours. Ça se saurait autrement ».